La pensée

Nous laissons la pensée exercer une domination absolue et parasiter l'ensemble de notre existence. Nous nous épuisons à former une représentation de ce qui est, figeant ainsi en nous le mouvement perpétuel de la vie. Nous croyons le contrôler en retenant certains de ses aspects liés à nos désirs, nos croyances, nos certitudes ou nos angoisses, et en rejetant d'autres aspects qui nous semblent contraires ou ne pas nous concerner. La pensée nous pousse à voir la vie par opposition. Or, il n'y a pas opposition mais interaction incessante, dans un monde où tout est relié.

Pris dans la temporalité, nous ne savons que comparer, saisir ou rejeter. Nous sommes dès lors incapables de voir en profondeur la réalité d'une situation, de percevoir la globalité de l'enchaînement des circonstances.

La nature de notre pensée est mouvement, énergie prise dans le flux de la vie. Il ne s'agit pas de s'y opposer mais d'observer la distance qu'elle met entre ce qu'elle produit et la réalité. L'observer afin de s'en libérer. Afin de laisser surgir puis se résorber ce qui vient, sans rien diviser, sans rien conceptualiser. L'observer afin de prendre conscience que nous ne sommes pas cet objet d'observation. Dans cette attention, son énergie se calme. Elle ne nous emporte plus dans des réactions de peur, d'abattement ou d'agressivité. Elle laisse la place à une autre énergie, que nous avions étouffée, qui vient de notre être profond, de son silence. Cette énergie est réponse directe, immédiate, aux sollicitations de la vie. Elle vient du coeur. Le temps s'apaise. Nous sommes dans l'instant. La réalisation de notre intemporalité, de notre véritable nature, est alors possible.